Dans un monde devenu immobile, un sursaut de vie nous inonde et semble nous pousser à l’action pour servir là où, vraiment, il y a besoin. Un sursaut de fraternité nous fait passer de notre réalité proche à une réalité mondiale qui appelle à l’aide. Que ne apprend le confinement, et qu’en ferons-nous après ? Voici une réflexion autour des messages du Pape François.
Et soudain, tout s’est arrêté. Un mot a été prononcé, et voici que les métros se sont stoppés, les travailleurs, étudiants et enfants se sont enfermés, les usines et activités se sont immobilisées. Le confinement s’est imposé.
Soudain, la vie a pris une nouvelle dimension. Le monde a stoppé net sa course effrénée. Ce qui faisait notre quotidien, notre travail, nos sorties, nos voyages, nos activités… Ce qui nous semblait si important, si essentiel, si vital, voilà que cela n’est plus si essentiel.
Soudain, nous les avons vus et entendus : les oiseaux gazouillant dans le ciel, ce ciel – d’ordinaire grisé par la pollution – devenu bleu, les chants de notre voisine que nous ne faisions que croiser le matin, la mélodie du piano s’élevant de l’immeuble d’en face, les rires des enfants jouant tant bien que mal entre quatre murs, les bourgeons s’ouvrant jour après jour en chantant le printemps… Soudain, nos sens se sont éveillés, et la tranquillité, d’ordinaire inquiétante dans notre monde effrénée, s’est révélée savoureuse et de toute beauté.
Soudain, le temps s’est arrêté. Nous avons découvert les bienfaits d’une véritable pause, et le sens de l’expression “prendre son temps”. Nous nous sommes révélés dans de nouveaux talents insoupçonnés, avons commencé à lire davantage, à prendre du recul sur nos vies, sur son sens, pour envisager un retour à l’essentiel, nous demandant alors : qu’est-ce donc que l’essentiel ?
Soudain, face à la solitude et à l’enfermement, nous nous sommes retrouvés face à nous-mêmes. A notre vide, à nos questions, à notre soif d’existence et de relations. Notre petitesse et notre vulnérabilité nous ont éclatés à la figure. Impuissants face à une situation qui nous dépasse et fait tant de victimes, nous n’avons jamais autant désiré vivre. Nous n’avons jamais autant apprécié notre système de santé et tout le corps médical, devenus aujourd’hui héros de cette lutte sans merci.
Soudain, face au silence, nous avons entendu des millions de cris : des cris de médecins effrayés, des cris de mourants abandonnés, des cris de personnes âgées isolées, des cris de sans-abris oubliés, des cris d’enfants peu aimés, des cris de femmes frappées, des cris de la nature qui semble enfin respirer… Tant et tant de cris d’ordinaire étouffés par les bruits incessants de notre monde, qu’on aimerait faire taire aujourd’hui tant ils sont insoutenables. Et nous avons-nous-même crié.
Soudain, face à la mort, face à nos vulnérabilités, nous avons découvert que la vie est un don. Nous qui continuions notre route, “imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade”1, nous qui pensions que la vie et le bonheur se trouvaient dans nos droits et nos libertés, nous prenons enfin conscience que la vie et le bonheur prennent leur source dans la vie elle-même qui se donne aux autres et est donnée chaque jour.
Soudain, face aux infirmières, aux agents d’entretien, aux employés de magasin, aux agriculteurs -d’ordinaires invisibles tant ils nous étaient acquis et aujourd’hui si indispensables à notre survie – nous réalisons l’importance de ces travailleurs d’ordinaire trop souvent dénigrés, de ces gestes invisibles inutiles aux yeux du monde et pourtant si essentiels. Nous qui mesurions l’utilité de notre vie en nombre de likes et de followers, cherchant frénétiquement la notoriété pour juger de notre efficacité, nous constatons que les petits gestes invisible et l’Amour ont un pouvoir insoupçonné.
Soudain, face au caractère mondial de la crise, nous avons pris conscience que nous ne faisons qu’un. Au-delà des frontières ouvertes ou fermées, tous éprouvés par l’épidémie, nous avons été déstabilisés aux quatre coins du monde. Face aux urgences individuelles, notre charité s’est laissée éprouver, mais la conscience de la nécessité d’un agir ensemble a commencé à émerger.
Soudain, face au silence et face à l’humanité qui ne fait qu’un, nous avons entendu des milliards de cris jaillissant du monde entier, proclamant insoutenablement que certains n’avaient pas attendu cette situation pour hurler. Ils nous mettent face à une réalité : notre manque de moyens humains et matériels actuel pour affronter la crise, est un quotidien de longue date pour certains. Tous ces cris d’ordinaire oubliés résonnent et nous mettent face aux injustices du monde et à ses inégalités.
Soudain, face à l’arrivée progressive de la pandémie dans les pays les plus pauvres, nous avons mesuré l’importance d’investir et d’agir en faveur de la santé dans ces pays. Nous avons pris conscience que nos moyens occidentaux, bien qu’insuffisants actuellement, sont bien supérieurs à ceux de nos amis des pays du Sud, et qu’une aide sur place est indispensable pour stopper la propagation du virus à l’échelle du monde.
Soudain, face à notre impuissance, nous avons senti naître en nous le besoin et l’envie d’aider, de secourir les plus pauvres et les plus fragiles. Par la confection de masques, les applaudissements quotidiens, nous avons compris que chacun à notre échelle, nous avions une part à prendre dans notre humanité. Une part infime, certes, mais indispensable à notre monde, indispensable à la justice, indispensable à la fraternité. Nous avons eu envie de de nous lever, de nous battre avec cette arme qu’est l’Amour.
Soudain, face à un monde malade, une puissante tempête est venue bousculer notre ouragan quotidien, nous offrant la possibilité de bâtir un nouveau monde sur une mer apaisée, nous guidant vers la construction d’une nouvelle réalité orientée vers ce qui importe réellement : l‘HOMME. Tout Homme. Tout l’Homme.