Originaire de Tours, Louis a été envoyé en Zambie en septembre 2019. Avec cinq autres volontaires Fidesco, il a rejoint la mission des frères Combonis, présents au cœur de la brousse depuis 1987. A l’occasion de la semaine missionnaire mondiale 2020 du 11 au 18 octobre, Louis partage avec nous ce que signifie être missionnaire au cœur de la brousse.
En quoi consistait ta mission au fin fond de la brousse ?
Louis : J’étais chargé du suivi de chantier. Concrètement, mon rôle principal était de m’assurer du bon déroulement de chantiers de gros œuvre à l’initiative de Father Luigi, le supérieur de la communauté. J’avais également de multiples autres tâches en complément de celle-ci.
Comment s’organise le travail sur les chantiers ?
Louis : Nous faisons appel à un maître d’œuvre et à son équipe de maçons pour construire des infrastructures utiles au développement local, comme des maisons à destination des professeurs ou des toilettes publiques. De notre côté, nous fournissons outils et matériaux donc il faut aussi acheter, acheminer, stocker et distribuer selon les besoins, tout cela demande donc une organisation rigoureuse !
Quel-est le défi local auquel tu réponds par ta présence ?
Louis : Outre le développement économique, je dirais que l’enjeu réside dans le fait de répandre l’idée de Bien commun. Concrètement, cela peut passer par une éducation à la gestion forestière, à l’entretien de « biens publics » comme les routes de terre, etc.
Comment c’est d’être volontaire laïque en mission auprès de prêtres missionnaires ?
Louis : À vrai dire on se sent minuscule ! Ce sont de grands hommes que l’on côtoie chaque jour et qui ne cessent de nous impressionner par leur humilité et leur patience ! Parallèlement, c’est un luxe et une sacré chance de pouvoir partager un peu de leur vie de prière. Il s’agit là d’un véritable roc sur lequel nous pouvons nous appuyer dans les moments de doute.
Comment vis-tu la mission dans ton travail ?
Louis : Petit à petit, j’ai découvert beaucoup d’aspects de mon travail, dont les ressources humaines. Au moment de payer les salaires des journaliers, ceux-ci me demandaient parfois une avance – ce qui requiert de la prudence. Lorsque j’avais le sentiment de pouvoir accéder à leur demande, je n’hésitais pas ! Plus tard, j’ai appris que l’un d’eux avait été spécialement touché de la confiance que je lui avais accordée, « surtout venant de la part d’un catholique ». J’ai compris à cette occasion que la vie missionnaire passe aussi, et surtout, par de minuscules attentions dont on ne perçoit pas forcément la portée immédiatement.
Quelle est la plus grande difficulté que tu aies eu à surmonter ?
Louis : Un jour, j’ai eu un désaccord important avec le maître d’œuvre. Le ton est monté, il a fini par me traiter devant toute son équipe de ce que j’étais : un jeune homme blanc parachuté à un poste qu’il ne maitrisait pas. Je vous laisse deviner l’humiliation qui s’en est suivi. À ce moment précis, le fameux « à quoi bon ? » m’a traversé l’esprit. Ce n’est qu’après en avoir parlé avec le père supérieur de la communauté que j’ai accepté qu’il était normal – et bon ! – d’une certaine manière de susciter de telles réactions en entrant dans une culture différente car, c’était moi l’étranger, et si j’étais humilié, alors c’est que je n’avais pas assez d’humilité.
Qu’as-tu découvert en mission ?
Louis : Les deux premiers mois de mission, j’ai découvert ce que recouvrait le terme « suivi de chantier », entre logistique, ressources humaines et travail manuel. Une fois ces nouveautés assimilées, il faut encore apprendre à diriger une petite équipe, à organiser efficacement le travail ou encore travailler dans l’urgence. Cela conduit naturellement à la confiance vis-à-vis de toute l’équipe et à faire preuve de flegme à la découverte d’une surprise plus ou moins heureuse. Mais l’un des fruits le plus beau de ma mission reste le sens de l’abandon.
Quelle a été ta plus grande joie sur place ?
Louis : Dur dur d’en choisir une ! Je pense que c’était lors de mon dernier jour de travail avec l’équipe des workers. Nous venions d’achever le dernier chantier et passions un ultime moment ensemble. Bien sûr, nous nous sommes mutuellement remercié et avons fait nos adieux, mais je fus spécialement touché d’entendre que même ceux qui avaient du mal à parler anglais prenaient la peine de formuler leurs phrases du mieux possible. De ces gaillards peu enclins à laisser transparaître la moindre émotion, j’ai vu s’allumer une étincelle de réelle et franche sympathie.
As-tu une anecdote relative à ta mission à partager ?
Louis : De temps en temps, il faut aller dans la brousse en voiture pour aller chercher du bois de chauffe ou des planches, coupées par des bûcherons. En saison des pluies, il peut arriver que la voiture s’enlise. Et c’est exactement ce qu’il m’est arrivé en cette matinée de janvier ! J’étais alors avec deux workers, et j’ai beaucoup appris de leur réaction face à l’incident. Loin de perdre, comme moi, leur sang-froid, ils plaisantaient même de la situation tout en s’affairant immédiatement à creuser la boue sous les roues. Sur le chemin du retour, je méditais sur tout ce temps perdu au quotidien à pester pour des bêtises alors que, pris à bras-le-corps (et avec le sourire), chaque problème paraît insignifiant…
Comment la mission impacte-t-elle ta vie à ton retour en France ?
Louis : Mon regard sur les pauvres a évidemment changé, mais pas tant que ma façon d’appréhender la pauvreté, sous toutes ses formes, et spécialement la solitude. À l’heure où les rapports sociaux se raréfient et se dégradent, il me semble fondamental de passer du temps, de perdre du temps avec ceux pour qui une conversation est un luxe. La mission a vraiment été un déclic en ce sens pour moi, c’est pourquoi j’y porterai une attention toute particulière cette année.
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Photo : ©HelenDanler