Plus qu’un dispensaire, un signe d’espérance à Conakry

Par Damien Rombaut

Saint Gabriel de Matoto à Conakry, en Guinée

Saint-Gabriel de Matoto : Plus qu’un dispensaire, un signe d’espérance à Conakry

Ancien volontaire envoyé en Guinée en famille de 2012 à 2013, puis responsable pays, Damien Rombaut a accompagné pendant plusieurs années les volontaires en mission à Conakry. À travers son expérience, il témoigne de la fécondité du dispensaire Saint-Gabriel de Matoto : un lieu de soins, mais aussi de formation et d’espérance partagée, où le mot coopération prend tout son sens.

 

1. Peux-tu nous présenter le dispensaire Saint-Gabriel et ce qui en fait un lieu de soin si unique en Guinée ?

Le dispensaire Saint-Gabriel, fondé en 1987 à Matoto, alors en périphérie de Conakry et aujourd’hui au cœur de la ville, est né d’une initiative conjointe entre Fidesco et l’Église catholique locale, à la demande du cardinal Robert Sarah. Sa vocation est simple et profonde : offrir aux plus pauvres des soins de qualité, dans un esprit de service et avec le souci constant de préserver leur dignité.

Concrètement, Saint Gabriel assure des services de santé essentiels : médecine générale, soins infirmiers, pédiatrie, nutrition, maternité, laboratoire, pharmacie, vaccination, dépistage du VIH, etc. Avec plus de 100 000 patients accueillis chaque année et plus de 1 000 naissances, il est devenu le centre de santé primaire le plus fréquenté de Guinée !

Une autre particularité du dispensaire est son modèle économique original : alors que la charité est souvent synonyme de gratuité totale (notamment dans les instances internationales), Saint-Gabriel propose aux patients de contribuer aux soins. La consultation, les examens de base et les médicaments sont accessibles pour un montant forfaitaire de 1 à 2 euros. Cela peut sembler dérisoire, mais pour des personnes vivant parfois avec moins de 1 euro par jour, c’est un vrai effort. Et bien sûr, ceux qui ne peuvent pas payer sont pris en charge grâce à une caisse de solidarité. Ce système permet au dispensaire d’assurer une autonomie financière sur ses services de base, tout en respectant la dignité de chaque patient. C’est un défi permanent, mais aussi un acte de confiance dans la capacité de chacun à participer à sa propre santé. Et je crois vraiment que pour un père ou une mère, payer pour la santé de son enfant conforte ou restaure son sentiment de dignité : « je peux prendre soin de mon enfant ».

Ce qui rend Saint-Gabriel unique, c’est sa capacité à allier compétence médicale, accessibilité financière et engagement humain, dans un pays où les soins sont souvent inaccessibles. C’est un signe d’espérance chrétienne au cœur d’une population majoritairement musulmane, devenu une institution incontournable du système de santé Guinéen.

 

2. Comment décrirais-tu la mission de Fidesco au sein du dispensaire depuis plus de 30 ans ?

Depuis la création de Saint Gabriel, Fidesco envoie des volontaires sur place pour soutenir une équipe locale d’environ soixante-dix professionnels guinéens. Ces volontaires – médecins, pharmaciens, sages-femmes, gestionnaires – apportent leurs compétences, mais surtout leur présence fraternelle.

Le succès de Fidesco dans cette mission repose sur la fidélité, le respect des réalités locales et le désir de transmettre. C’est une mission enracinée dans la foi chrétienne, vécue dans un esprit de service humble et professionnel. Saint Gabriel, c’est l’essence de Fidesco : la foi et la coopération, le codéveloppement.

 

3. Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux médicaux et humains auquel est confronté le dispensaire ?

Les défis sont nombreux : un afflux constant de patients très pauvres, un niveau de formation initiale souvent insuffisant, et la nécessité de maintenir la qualité des soins dans un contexte de grande précarité. Sans oublier le défi permanent qu’est l’autonomie financière du dispensaire.  Comme je l’ai déjà évoqué, Saint Gabriel a fait le choix d’un modèle économique original. Le prix payé par les patients, aussi modeste soit-il, permet au dispensaire de couvrir ses coûts de fonctionnement sur ses services essentiels : consultations médicales et soins infirmiers, examens de laboratoire et délivrance des médicaments nécessaires. Ce modèle permet au dispensaire d’être largement autonome pour ses activités de base et de ne faire appel aux dons et aux partenariats que pour des projets précis ou des services médicaux plus onéreux (vaccination, lutte contre le Sida ou la malnutrition…). C’est une vraie garantie de pérennité.

 

4. Concrètement, quelles missions sont confiées aux volontaires qui se relaient sur place ?

Les volontaires Fidesco occupent des rôles variés : direction du centre, gestion de la pharmacie, médecine générale, soins infirmiers, accompagnement des femmes enceintes, coordination de l’hygiène, suivi nutritionnel… Mais leur mission dépasse les tâches techniques : ils partagent la vie quotidienne de l’équipe, prient avec elle, et incarnent une fraternité concrète. Ils sont frères et sœurs de chaque Guinéen, témoins du Christ dans le respect des différences culturelles et religieuses.

 

5. En quoi le dispensaire Saint-Gabriel est-il aussi un lieu de formation et de transmission de compétences ?

Le dispensaire est un centre de formation continue. Les volontaires travaillent en binôme avec les soignants guinéens, et organisent avec les médecins guinéens des formations à destination du personnel, en médecine, hygiène, nutrition, gestion, etc. Le personnel guinéen, souvent peu formé à son arrivée, progresse grâce à cet accompagnement. Depuis plus de dix ans, les principaux services sont dirigés par des Guinéens, preuve de la réussite de cette coopération.

 

6. En quoi le dispensaire est-il aussi une école de vie pour les volontaires envoyés, au-delà de la dimension professionnelle ?

Une mission Fidesco au sein du dispensaire est une expérience humaine et spirituelle intense. Les volontaires découvrent une autre culture, une autre manière de vivre la foi, une autre relation au temps et à la souffrance.

Mais ce qui les marque profondément, c’est le choc des moyens : pour un médecin habitué aux plateaux techniques français, pour une infirmière ou une sage-femme formée dans nos hôpitaux, pratiquer une médecine – qu’en exagérant un peu, on pourrait comparer à une médecine de guerre – est difficile et douloureux. Ils réalisent que les soignants guinéens, avec des moyens dérisoires, maîtrisent bien mieux qu’eux certaines pratiques.

Ils doivent alors discerner ce qu’ils peuvent réellement apporter, ce qui dans leur savoir est applicable et transmissible. Et surtout, ils comprennent que leur présence, leur choix de venir, de s’engager aux côtés des plus pauvres, est en soi un témoignage qui dépasse l’apport de compétences. Les Guinéens savent ce que ces volontaires ont quitté pour venir par amour. C’est dans cette fraternité vécue, dans ce service partagé, que se révèle la véritable fécondité de leur mission.

 

7. Peux-tu nous partager un ou deux souvenirs qui illustrent, pour toi, la fécondité de cette présence de volontaires ?

Au moment où l’épidémie d’Ebola frappait la Guinée, Mélanie a dû repartir en France avec nos enfants. Ils n’étaient pas indispensables à la mission de Saint Gabriel, et leur sécurité primait. Un mois plus tard, alors que l’épidémie sévissait toujours mais que nous comprenions comment elle fonctionnait et alors que la Guinée se sentait seule et abandonnée de tous, Mélanie a choisi de revenir.

Quand elle est arrivée à Saint Gabriel un matin, les femmes du dispensaire ont dansé autour d’elle. Pourtant, Mélanie n’y travaillait pas (elle était en mission dans une école de Conakry). Elle n’était ni médecin ni infirmière. Mais sa présence, son retour avec les enfants, disait quelque chose d’essentiel.

Ce que nous apportons, ce n’est pas d’abord des compétences ou des solutions. C’est le fait d’être là. Une fraternité offerte, une espérance partagée.

 

8. Quel message aimerais-tu adresser à ceux qui, depuis la France, soutiennent ou découvrent aujourd’hui le dispensaire et la mission de Fidesco à Conakry ?

Saint-Gabriel est un lieu de solidarité où se vit, profondément, la fraternité. Cette œuvre n’est rendue possible que par la coopération des volontaires avec les équipes locales, et par l’engagement de tous ceux qui soutiennent Fidesco et rendent sa mission sur place durable. Sans eux, le dispensaire ne pourrait pas continuer d’exister. Saint Gabriel, ce sont des milliers d’enfants soignés chaque année, des femmes qui accouchent en toute sécurité, des vies protégées face au VIH.

Merci du fond du cœur à ceux qui nous soutiennent, ou nous soutiendront. Merci de croire en cette mission, qui témoigne chaque jour de l’Amour du Christ pour les plus petits.

 

Podcast

Nos anciens volontaires replongent dans leurs souvenirs le temps d’un épisode de podcast à écouter au fond d’un canapé, dans les transports, en cuisine ou ailleurs… À cœur ouvert, ils témoignent de leur mission professionnelle à l’autre bout du monde. Ils vous livrent leurs joies, leurs difficultés mais aussi leurs enseignements. En bref, ils vous racontent tout sur la mission !

Un nouvel épisode disponible chaque mois sur toutes les plateformes d’écoute, n’hésitez pas à vous abonner et à partager notre podcast pour diffuser la joie de la mission ! 🕊

“Plus ça paraîtra normal pour nous, plus ça sera naturel pour nos enfants.” C’est avec cette conviction que Bruno et Céline ont préparé leurs deux...
Et si la mission était un nouveau départ ? C’est ce qu’a vécu Mathilde au Brésil. Au cœur de la crise du Covid, elle a...
Quand Flore et Sarah s'envolent en binôme pour la Thaïlande, elles ne se connaissent presque pas. Mais très vite, elles font leurs premiers pas dans...

Témoignage spécial Famille en direct le 9/12 !

Soirée témoignage spéciale Famille en direct sur Youtube le 9/12