Un petit Prince et son renard
Par Marie, animatrice et formatrice auprès de jeunes mamans à Redençao, Brésil
Voici l’histoire d’un petit Prince qui découvre un renard, et qui doit l’apprivoiser, patiemment.
Au début de ma mission, tout était nouveau. Je me rappelle être restée perdue un petit moment, ne comprenant pas très bien mon utilité ici.
J’aurais voulu que le feu s’enflamme avec la rapidité de la paille, que la source soit directement torrent.

Je voulais me donner, je voulais aimer ; et je n’en trouvais pas le moyen immédiat. Aimer. Au fil des mois, le bois s’est transformé en braises rouges et chaudes. J’ai appris que l’amour prend patience.
Le temps vole
Le temps vole… Aujourd’hui, je ne réfléchis plus… Le feu missionnaire brûle avec son petit crépitement joyeux. Les câlins de salutation typiques du Brésil sont devenus spontanés. Je me réjouis d’accueillir une nouvelle maman au projet, m’inquiète de voir son regard timide, mais sais déjà qu’il s’ouvrira au fil des rencontres. J’accepte de passer une après-midi à courir de droite à gauche pour passer les ciseaux, coudre à la machine et conseiller sur le choix des couleurs d’une peinture sur tissu… ou de rester assise à seulement poser toujours les mêmes questions sur la grossesse, sur la vie quotidienne… J’aime les petits-déjeuners qui durent sur la terrasse. Je m’énerve soudain lorsque le degré de poussière dans la maison a dépassé mon seuil de tolérance… Je répète dix fois par jour : « J’ai chaud ». Les heures de trajet en voiture sont entrées dans la routine. Je continue de m’émerveiller devant la beauté des palmiers, des étendues à perte de vue… J’aime rester papoter sur une chaise en plastique, dans la cour avec une maman. Et ainsi de suite. Bref, j’aime la vie qui m’est offerte ici. Aimer.
Le temps vole… Le feu de la mission ne s’est pas embrasé au craquement d’allumette. La rivière n’est jamais devenue torrent, mais l’eau a creusé son lit, petit à petit. J’ai appris qu’aimer nécessitait d’apprivoiser. De regarder avec les yeux, je suis passée à regarder avec le cœur… un petit air connu ? Une des pages du Petit Prince trouve un bel écho au cheminement de ma mission, celle de la rencontre avec le renard.

S’il te plaît, apprivoise-moi
Je débarque au Brésil sans avoir cherché à imaginer la mission, mais tout de même, avec mes envies et mes désirs : « Viens jouer avec moi ».
Rapidement, je me bute à une sorte de refus : « Je ne puis pas jouer avec toi. Je ne suis pas apprivoisée ». Et là, je reste bêta avant d’interroger : « Que signifie apprivoiser ? » « C’est une chose trop oubliée. Ça signifie, créer des liens. […] Si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde… […] S’il te plaît apprivoise-moi ! ».
Un cadeau qui n’a pas de prix
J’étais depuis le début prompte à répondre à cette demande. Il ne m’a pas fallu longtemps pour que j’interroge : « Que faut-il faire ? ». Et à la mission de me répondre, posément : « Il faut être très patient. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près… »
Chaque jour, un peu plus près… Au fil des expériences, j’ai trouvé quelque petites choses à faire, j’ai découvert la valeur de ma simple présence, j’ai été saisie par l’histoire d’une ou l’autre maman, j’ai aimé sans chercher à voir le fruit de cet amour, j’ai admiré la fidélité et le dévouement des volontaires du Projet, j’ai appris à cuisiner le riz, à arriver en retard, j’ai beaucoup souri, j’ai un peu parlé, j’ai rêvé des dizaines d’idées, j’ai osé l’une ou l’autre… et la mission a commencé à trouver écho en moi-même. Je découvrais que la mission avait besoin de moi. Et bien plus, que j’avais besoin de la mission. Ce n’était qu’un début…