Par Jeanne, en mission en tant que sage-femme à la maternité du dispensaire Assumption of Mary, à Ithanga – Kenya
Un dimanche de décembre, alors que ma binôme et moi sommes dehors, la maternité appelle pour que je vienne évaluer une patiente. En avant ! À peine arrivée, je la reconnais, il s’agit de Mueni, une patiente avec une grossesse gémellaire. Elle est venue pour contractions. Mes collègues Maureen, Cynthia et Joel sont à la maternité en train de discuter de la conduite à tenir : tentative de voie basse ou césarienne en urgence ? Après avoir fait un examen complet et rassemblé toutes les informations nécessaires, je leur demande de chacun se positionner sur la prise en charge. Le but n’étant pas d’avoir raison ou tort mais de réfléchir, d’argumenter ses décisions et de prendre tous les paramètres en compte. Les avis sont variables :
– Maureen est très peu à l’aise en maternité : « J’ai trop peur, c’est un accouchement à risque, on va en césarienne »
– Cynthia est une jeune diplômée, elle a de bonnes connaissances mais manque de pratique : « Elle peut accoucher par voie basse, on la réévalue dans quatre heures »
– Enfin Joel « Compte tenu de 1, 2 et 3 … je pense que l’on peut tenter un accouchement par voie basse, c’est un accouchement à risque, on fait le point dans deux heures ».
Well done Joel ! Je le conforte dans sa décision et lui demande de nous tenir au courant. Avec Cannelle, nous tenons à être là. Nous partons déjeuner toutes les deux en attendant. Aux alentours de 14h30, nous sortons et décidons de « passer une tête » en maternité. À peine dans le couloir des consultations, nous croisons Joel en bottes, immédiatement nous comprenons ! Il rit aux éclats en voyant nos mines à la fois heureuses, surprises mais déçues de ne pas avoir été appelées pour l’accouchement. Il nous raconte que les deux jumeaux sont arrivés très vite et que tout s’est déroulé sans complications. AMEN !
J’étais très fière de Joel et Cynthia qui ont réalisé la surveillance et l’accouchement mais surtout que Joel ait pu se positionner et argumenter sa prise en charge.
Un après-midi, je suis appelée par l’hôpital gouvernemental d’Ithanga situé à Kaguku. Une patiente est arrivée à dilatation complète avec un bébé en position du siège, le corps est sorti mais la tête est actuellement coincée… Sachant que Moha est présent, je le contacte pour qu’il m’emmène en pick-up, l’ambulance étant de sortie. Ce jour-là, les freins n’ont pas servi, pas même face au dos d’âne…
Arrivée à Kaguku, je saute du pick-up et rejoins la « salle d’accouchement ». Effectivement, la tête est coincée, je sens le cordon ombilical pulser faiblement, il faut agir vite… Je réalise les manœuvres nécessaires et extrais le nouveau-né. Son cœur n’arrive pas à récupérer et la respiration ne s’initie pas. Si la réanimation n’est pas immédiatement débutée, cet enfant aura de lourdes séquelles. Je demande alors le matériel nécessaire aux infirmiers présents, ils se regardent tous… Ils n’ont rien.
Sans même réfléchir, je prends l’enfant et lance à l’équipe : « Vous envoyez la mère après ! ». Je sprinte vers le pick-up, moteur déjà allumé, je n’ai pas besoin de parler, Moha a déjà enfoncé l’accélérateur. En chemin, j’appelle Cannelle pour que tout soit prêt pour la réanimation et ne pas perdre de temps. Arrivés à Assumption, les premiers gestes de réanimation son vite réalisés et l’enfant réagit bien. Il restera une heure sous oxygène avant d’être complètement indépendant.
Voilà ce que l’on appelle un travail d’équipe ! Ces situations nous aident à prendre confiance en nous, en nos compétences. Mais parfois la vie nous rappelle aussi que nous ne sommes pas tout-puissants et Dieu seul est maître de nos vies.
Rose, une jeune de 19 ans, est enceinte de son premier bébé, le travail est long et laborieux… Ce jour-là, je suis avec Joel en maternité. L’accouchement risque d’être difficile, Rose est à bout de force. Au moment de commencer à pousser, je sens que quelque chose cloche, ce bébé doit naître très vite… Ce fut épique : Joel à genoux dernière Rose pour exercer des pressions sur l’abdomen afin de mimer les poussées maternelles, Rose hurlant d’épuisement, et moi, dépitée par la situation, priant pour que cet enfant survive.
Nous arrivons finalement à extraire cet enfant, malheureusement pas une once de vie, les gestes de réanimation s’enchaînent, nous sonnons « l’emergency bell » car nous avons besoin d’aide. Personne. Ce n’est qu’après avoir hurlé à l’aide et cinq minutes d’attente que les premiers renforts arrivent mais il est déjà trop tard. Malgré une réanimation musclée, le cœur n’est jamais reparti. Ce beau bébé de 3000 g est déclaré né sans vie. Je me retrouve là, couverte de sang, de sueur, de colère et de culpabilité face à une mère qui attend de savoir comment va son bébé. Je demande à Joel de lui annoncer et m’échappe.
Immédiatement, je sens qu’il faut que je parle à ma binôme Cannelle, mon pilier dans cette aventure. Il se trouve qu’elle est ce jour-là en déplacement dans les écoles dans un endroit où il n’y a pas de réseau… Après avoir soufflé, je retourne en maternité, il faut maintenant expliquer à la famille et tout laver.
Après cet épisode, Joel s’est éloigné de la maternité pendant deux semaines. Ce fut difficile mais formateur. Notre condition humaine nous entraîne à chercher un coupable et une explication. S’en est suivi beaucoup de réflexions et de culpabilité « J’aurais dû faire ci, j’aurais dû voir ça. ».
Oui, j’ai fait de mon mieux avec les moyens disponibles, mais non, cela n’a pas été suffisant. Ce n’est pas la première ni la dernière fois qu’un nouveau-né décède.
Peut-être ai-je fait une erreur et cette patiente aurait dû aller en césarienne, possiblement, oui. Mais ce qui est fait est fait. Nous ne sommes pas infaillibles, ni tout-puissants. L’important est d’apprendre de nos échecs… et de rebondir.
Plongez au cœur de la mission…
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